La jeune blonde se présenta à moi. Elle ne savait pas vraiment où se mettre et semblait nerveuse. Je lui adressai un sourire chaleureux ou plutôt glacial, soit l'un soit l'autre. Elle ne me le rendit pas et attendit mon accord pour prendre place. Je lui indiquai d'un signe de la main de s'installer et elle s'exécuta lentement, repliant ses genoux contre sa poitrine. « Vous semblez fatiguée non ? » Elle secoua la tête. Pourtant ses cernes racontaient de façon frappante le contraire. « Bien, parlez-moi de vous. De votre vie, de votre famille. » Elle ricana en grimaçant et prit la parole d'une voix froide. « Ma vie est un désastre. Mais je vais tout vous raconter depuis le début, sinon ce n'est pas marrant. J'ai vécu toute mon enfance aux côtés d'une famille aimante et généreuse. Mon frère était le meilleur grand frère qu'une jeune fille puisse avoir et ma jumelle, et bien c'était ma jumelle, je ne peux pas vous l'expliquez autrement. De toute façon vous ne pourriez pas comprendre. Par la suite, nous avons toujours grandi dans ce cocon familial empli de bonheur et d'insouciance. Mais tout fut gâché à l'âge de mes seize ans. » Ses mains se crispèrent et ses phalanges devinrent blanches. De plus, elle ne souhaitait apparemment pas s’attarder sur les différentes étapes de sa vie, comme si elle souhaitait les prononcer une dernière puis les oublier. « Ma mère et ma sœur eurent un accident de voiture. Ma sœur fut tuée sur le coup et ma mère est sortie de l’hôpital paralysée à vie. Que demander de plus beau ? » Elle ricana une nouvelle fois. « Suite à cela, ma mère me rejeta. Soit disant que je lui rappelais trop Pandorà. Étrange non ? J'avais l'impression d'étouffer dans cette maison, tout me rappeler ma jumelle. Je suis donc partie du jour au lendemain. Une décision idiote et puérile dont mon frère a encore du mal à me pardonner et d’ailleurs, j'essaye de le comprendre au mieux. Je ne pourrai vous dire exactement où je me suis installée durant cette fuite car je ne m'en rappelle tout d'abord pas et que j'ai fait beaucoup de marche durant plusieurs mois. Et les substances illicites que je me suis procurée en chemin ne m'aidèret pas vraiment pour ma mémoire mais m’ont bien aidées pour le moral. Je m'évade avec ça en quelques sortes. Mais tous les toxicomanes vous diront la même chose que moi sur le sujet. Oui, on peut me qualifier de toxicomane » Elle se passa les mains sur le visage après cette petite révélation. Une larme perla au creux de son œil gauche mais elle garda son regard froid et distant. Elle garda un long silence. Je tapotais sur mon carnet noir en signe d'impatience. « Et ? » Je n'étais pas du genre patiente, je voulais savoir ce qui lui était arrivée ensuite. Elle serra un peu plus ses jambes contre elle. « J'ai rencontré un jeune homme par la suite. C'était bien évidemment un dealer comme vous pouvez vous en douter et il m'a séduit, il faut dire que je n'ai pas refusé non plus. » Elle soupira. « Et on a couché ensemble quelques temps, du moins suffisamment pour que je sois en cloque » La larme qui était restée en place dégoulina le long de sa joue. « Lorsqu'il l'apprit, ce jeune homme me laissa tomber "comme une vieille chaussette", comme on dit. Ne sachant pas vraiment où aller, j'ai songé que Springfield n'aurait sûrement pas changée et que mon frère serait toujours présent là-bas. Même si je savais qu'il aurait du mal à me pardonner mon départ soudain. Je suis donc revenue et je suis allée le voir, le suppliant presque de me reprendre. On peut dire qu'il a fait une salle tête. Mais il faut dire aussi que j’étais dans un piteux état et que beaucoup aurait eu pitié de moi. Voilà, maintenant vous savez à peu près tout. Qu'il faut que je recommence à vivre normalement, que je dois à présent m'occuper d'un enfant et que je dois savoir pourquoi ce gars me colle au train... » Elle se stoppa et fronça ses sourcils tandis que j'en haussai un. « De quel jeune homme parlez-vous ? » Les coins de sa bouche tentèrent un sourire et une petite lumière sembla éclairer son visage de bonheur soudainement et brièvement. « Non mais ne me regardez pas comme ça ! C'est juste une stupide rencontre au supermarché. Comme une idiote, j'ai manqué de me fracasser la tête sur le sol en m'entravant je ne sais comment et il m'a retenu. Je ne l'ai pas très bien reçu, j'étais dans un mauvais jour comme souvent. Mais il n'est pas parti pour autant, il m'a tenu le bras jusqu'à ma voiture et m'a presque forcé à lui donner mon numéro pour qu'il puisse prendre de mes nouvelles. Il avait sûrement du remarqué que j'avais une brioche au four. Depuis il veut absolument me revoir et je ne sais même pas pourquoi. Espèce d'idiot. » Elle releva la tête vers moi et sembla me regarder plus en détails. « Vous me rappelez quelqu'un » C’est ce que l’on peut appeler sauter du coq à l’âne, effectivement. Elle avait déclaré cela en se levant. Elle se rapprochait lentement et je me levais à mon tour sans pour autant avoir souhaité le faire. Comme si je ne dirigeais plus rien. Instantanément je me retrouvais face à un miroir. J'étais alors habillée de la même façon que la jeune fille et mon ventre était quelque peu rebondi. Je ne comprenais que quelques minutes plus tard, cette jeune fille et moi-même étions la même personne.

Je réveillai en sursaut. Ce rêve, ce cauchemar, cette pensée que je venais d'avoir était troublante. Je me levais lentement, posant une main sur mon ventre tendu et me dirigeais vers la salle de bain. Je me sentais faible et je savais qu’elle petit chose me redonnerait rapidement le sourire mais je ne devais pas le faire. Pour moi mais aussi pour le bébé. Mais je ne pouvais m’empêcher d’y penser.
Je passais mes mains sous l'eau du robinet et m'aspergeais négligemment le visage à plusieurs reprises. Je me coiffais ensuite rapidement et descendais au rez-de-chaussée. Arrivée dans la cuisine, je me servais un verre de lait et regardais à travers la fenêtre. J'ouvrais de grands yeux et en crachais presque ma boisson. Il m'avait retrouvé ce con. Comment est-ce qu'il avait trouvé mon adresse ? Même comment a-t-il su que j'habitais au crochet de mon frère ? Il me salua avec un immense sourire. Et en plus il regarde par les fenêtres, non mais je vous jure.